Lors de sa jeunesse estudiantine, entrecoupée par la guerre du Maroc, Jacques Perret n'était pas un habitué de l'Action française et de la rue Saint-André des Arts. Mais il fut de ces journalistes, qui "couvraient” pour la presse nationale la sortie de prison de la Santé de Charles Maurras en 1937. Il garda de ce moment une admiration particulière pour le vieux maître qu'il nomma plus tard « le têtu magnifique ». Ses chemins d'avant-guerre croisèrent tout de même quelques camelots dans un rôle de « supplétifs occasionnels dans les chahuts de Sociétés Savantes, [où il] comptait quelques amis dans la faction. » Mais c'est au lendemain de la Libération que Jacques Perret devint le chroniqueur régulier du petit fait vrai de l'actualité pour Aspects de la France. Il y tint aussi un temps la rubrique théâtrale.
Ainsi de son premier papier en 1948 intitulé "Le canular au vin" à 1970, date à laquelle il se fit plus rare, il commit là quelque cinq cent soixante quatre billets. De ses chroniques au style enlevé sur les sujets les plus grandioses comme le ticket de métro, Vincent Auriol, la crécelle, Paul Claudel, les hauts de forme, Mauriac, la Sécurité Sociale ou le tire-bouchon, Jacques Perret tire une leçon d'usage mondial ou personnel, au choix. Au besoin, il convoque dans cet exercice Chilpéric, Jeanne d'Arc ou Vercingétorix… Servi par une exceptionnelle richesse de vocabulaire, voire d'invention lexicale, le style de Jacques Perret bouillonne en catimini, mitonne sous la cape pour exploser en conclusions luxuriantes de verbes inattendus, mots cocasses et adjectifs en bataille. La puissance d'invention de son verbe est toujours au service d'une syntaxe sans faille et son propos ironique et tordant sert un regard attendri sur ses frères humains. On aurait du mal à trouver chez lui une quelconque trace de méchanceté. Et pourtant…
De ses articles d'Aspects de la France il ne récolta pas moins de trois condamnations pour « offense au chef de l'État » et une pour « offense à la Légion d'honneur ». Il participa durant ces années à de nombreux banquets d'AF (et même de médecins d'AF). Il vint souvent au Camp Maxime Réal Del Sarte partager le méchoui de clôture avec les étudiants et les pieds-noirs réfugiés sans compter les défilés de Jeanne d'Arc où, sans esprit de carrière, il n'hésitait pas à se montrer aux côtés du Comité directeur avec Louis-François Auphan et Pierre Chaumeil.
En 1965, l'ancêtre des Épées s'appelait AFU (Action Française Universitaire), elle était mensuelle. Jacques Perret était convié à mettre son "grain de sel" à l'occasion du dixième anniversaire du journal et il convoquait Saint-Michel à la rescousse : « Ce n'est pas le moment de lâcher Saint-Michel. C'est un personnage considérable. Il est chef de milice et caution des saintes violences. Il a beaucoup fait pour Jeanne d'Arc. Il est casqué de sagesse et cuirassé de vérités. C'est un chevalier volant qui fait beaucoup plus dans notre ciel. S'il a baptisé de son nom le grand déambulatoire du quartier latin, c'est pour y veiller, croyons-le, jour et nuit sur vos patrouilles, s'assurer de la relève et se réjouir d'une petite troupe aussi servante et gaie, sûr de son cap, et taillant sa route à travers les courants, les remous et les vasières d'une jeunesse plutôt mélangée. »(1) (AFU, mars 1965)
Muni d'un tel viatique, nul doute que Les Épées frémiront longtemps encore dans leur royal étui. En attendant la prochaine occase…